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Suivre les pas de Sylvain Tesson "sur les chemins noirs"
"Quatre mois plus tard j’étais dehors, bancal, le corps en peine, avec le sang d’un autre dans les veines, le crâne enfoncé, le ventre paralysé, les poumons cicatrisés, la colonne cloutée de vis et le visage difforme. La vie allait au moins swinguer" s'enthousiasme amèrement l'écrivain au début de son ouvrage.
Un deuil pesant, une chute paralysante et une envie brûlante de découvrir sa propre contrée après des épopées à travers le globe… Voici les circonstances qui ont amené Sylvain Tesson, amoureux d’aventure et de littérature, à partir à la découverte des chemins noirs français. Les « chemins noirs » ? Ce sont les « chemins cachés, bordés de haies, les sous-bois de ronces et les pistes à ornières reliant les villages abandonnés ».
Depuis un lit d’hôpital après avoir chuté d’un toit, Sylvain Tesson réfléchit a un circuit de découverte de « l’hyper-ruralité ». Selon les rapports rédigés par les responsables de l’aménagement du territoire, ce terme désigne les espaces ruraux peu reliés aux réseaux numériques et routiers, et dont l'accès aux administrations et aux centres commerciaux est limité. Plutôt que de suivre un protocole de rééducation compliqué, l’écrivain s’empare d’une carte de France et décide de marcher pour guérir. « Je préférais demander aux chemins ce que les tapis roulants étaient censés me rendre : des forces » déclare-t-il. Marcher pour remplacer le vin qui lui est désormais interdit et plutôt s’enivrer de la beauté "d'une France ombreuse protégée du vacarme, épargnée par l’aménagement qui est la pollution du mystère." Traverser "une campagne du silence, du sorbier et de la chouette effraie", et peut-être apercevoir un instant, cachée dans les hautes bruyères battues par le mistral, l’ombre de sa mère qui a quitté ce monde.
L'auteur déambule à travers la France en suivant une diagonale, non pas la fameuse « diagonale du vide » tracée par les géographes du Nord-Est au Sud-Ouest de la France, mais plutôt en voyageant du Mercantour au Cotentin, où le territoire s’enfonce dans la mer.
Tout en réapprenant à observer le paysage pour ce qu'il est, Sylvain Tesson décrit sa marche d'une manière saisissante et poétique, en émaillant son récit d'analogies singulières et d'aphorismes efficaces. Après un séjour de six mois dans une cabane au bord du lac Baïkal (Dans les forêts de Sibérie) et un périple sur les traces des soldats napoléoniens (Bérézina), Sylvain Tesson signe encore ici un récit de voyage palpitant : une réflexion sur la vie, la maladie, notre rapport à la nature et la géographie. Cet ouvrage rassemble ainsi les péripéties d'un écrivain qui se réapproprie un corps qu’il a blessé du fait de sa "toiturophilie", la passion de l'escalade des toits d'après son propre néologisme.
Mais le voyageur lésé de toutes parts parviendra-t-il à son but ? Les chemins noirs existent-ils encore après des décennies d'urbanisation massive ? Que va-t-il découvrir dans ces terres reculées ? A vous de suivre les traces de l’écrivain voyageur dans les champs de lavande, les forêts de chêne et les campagnes du bocage…
Article d'Alix
